FRÉDÉRIC GIROIR
Qui êtes-vous ? Que faites-vous ?
Après des études à HEC et un début de vie professionnelle au Boston Consulting Group (conseil en stratégie), je suis tombé dans le voyage d’aventure par passion. Un véritable coup de foudre, qui remonte à Octobre 2001 : dans l’avion vers le Népal, j’ai rencontré le guide de haute montagne Ludovic Challeat, qui partait tenter l’ascension du Makalu 2 (7670m). Le projet m’a fait rêver, et je m’y suis inscrit dans l’avion ! 5 semaines d’aventure engagée ont suivi, où je suis tombé amoureux du Népal et de la Haute Altitude. J’ai décidé d’en faire ma vie professionnelle : c’était il y a presque 20 ans, et je me réjouis chaque jour de ce choix. Après plus 10 ans chez Atalante, j’ai pris la direction générale d’Allibert Trekking en 2015. Vous l’aurez compris, la montagne c’est mon truc, mais aussi les déserts, et de manière générale toutes les belles itinérances dans une nature vierge. Marcher me ressource, c’est une reconnexion au corps, à la nature, à l’essentiel.
Allibert Trekking est né en 1975 (moi aussi !), fondée par 3 guides de haute montagne qui voulaient vivre de leur passion : tout a donc commencé par l’alpinisme et le ski de randonnée dans les Alpes, puis le terrain de jeu s’est élargi et la randonnée est devenue le cœur de l’activité. 45 ans plus tard, Allibert Trekking est toujours implanté dans son camp de base historique de Chapareillan au cœur des Alpes, et fait voyager 30 000 voyageurs par an dans près de 150 destinations, en petits groupes de 2 à 15 personnes. Nos voyages à pied s’adressent à tous les niveaux de pratique : du voyage découverte accessible à tout marcheur jusqu’aux grandes expéditions engagées, en passant par les voyages famille spécialement conçus pour les enfants. L’ADN « Guides par passion » est toujours aussi présent : nos guides sont des experts amoureux du voyage à pied, qui transmettent leur savoir-faire tant sur nos voyages accompagnés que sur nos voyages en liberté. Récemment, nous avons lancé « mon roadbook », une appli innovante qui permet aux voyageurs en liberté de randonner en toute sécurité, guidés pas à pas par leur téléphone.
Que représente pour vous le tourisme responsable (en général) ?
Pour moi, le tourisme responsable peut se résumer à « Mieux pour la planète et mieux pour les hommes, à la fois dans nos destinations et chez nous ». Il a toujours été une évidence dans le voyage d’aventure : le désert perd sa magie s’il est souillé, et la réussite d’un voyage est impossible sans nos équipes locales (guides, cuisiniers, chauffeurs, porteurs) qui accomplissent des miracles dans des environnements totalement vierges d’infrastructures. Au-delà, je trouve que notre tourisme immersif favorise la découverte et la compréhension des autres cultures, une ouverture essentielle face aux tentations de repli sur soi.
Le label ATR a permis de transformer la philosophie en promesse tangible, à travers des engagements concrets, mesurables, transparents pour les clients. Il a aussi donné de la visibilité au Tourisme Responsable et ainsi permis d’élargir le cercle des
« convaincus ».
Comment agir pour un tourisme responsable ?
Allibert Trekking a été le premier TO certifié ATR en 2008, le Tourisme Responsable fait partie de l’ADN de l’entreprise. Au-delà du label, je pense à 2 exemples parlants :
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Allibert Trekking compense 100% des émissions C02 de ses clients, en finançant des projets de reforestation pérennes. Cela représente un effort économique d’environ 150 k€ annuels.
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Un exemple de solidarité : lors du tremblement de terre au Népal en 2015, Allibert a fait appel aux dons auprès de l’ensemble de sa base clients, et a ainsi rassemblé 70 000 € en quelques jours. Cette solidarité mise en place fait écho à l'axe 2 du label ATR qui est " Partenariat".
Ces deux exemples ne sauraient représenter l’engagement historique d’Allibert Trekking.
Chez Allibert Trekking, l’accent est mis sur la responsabilité sociétale : environ un tiers des bénéfices sont reversés aux salariés chaque année (sous forme d’intéressement, participation et bonus).
Personnellement, je fais évoluer mes pratiques : de plus en plus de train plutôt que la voiture, de plus en plus de vol direct plutôt que via quand c’est possible. Je pratique plutôt les itinérances à pied, qui laissent par nature une empreinte très légère.
Je pense que bon nombre de tendances des 10 dernières années vont dans le sens d’un tourisme plus responsable : les petits groupes, la personnalisation, la recherche de ressourcement / retour à l’essentiel, l’envie de bons produits locaux, la recherche de plus-value culturelle, etc… avec pour conséquence la prise de part de marché de formules plus responsables : « nature », « immersion culturelle», « soft adventure », etc…Même dans les pays émetteurs récents comme la Chine, ces formules pointent déjà le bout de leur nez.
Ensuite, il y a un grand potentiel de progression dans les formules « séjours » historiques : 10 litres d’eau gagnés sur chaque douche au Club Med, c’est un très gros impact. Et je pense que les clients de ces formules attendent aussi une prise en compte de ces paramètres.
D’après-vous, quelles vont être les conséquences du Covid 19 ? Sur la profession ? Sur le monde du tourisme et des TO ?
Le covid-19 a généré un niveau d’incertitude jamais vu, qui est l’ennemi du Tourisme. La sortie de crise passe par une stabilisation qui va prendre plusieurs mois : maîtrise de la pandémie, réouverture des frontières, reprise du transport aérien, reprise de l’ensemble des infrastructures locales, c’est un puzzle avec des petites pièces.
Côté demande, dès lors que la peur d’attraper le virus sera évaporée, je pense que l’envie de voyager sera là. La crise économique réduira un temps le pouvoir d’achat mais là aussi ça reviendra rapidement.
Côté tendance, je pense que la crise va encore accentuer les tendances des 10 dernières années : le petit groupe plutôt que la masse, le grand air, l’empreinte carbone allégée. Rien de nouveau, juste une accélération car la crise ramène à l’essentiel.
Oui, certainement. Heureusement, notre cœur de métier répond déjà à bon nombre de grandes tendances. Mais nous pouvons faire mieux : par exemple + de vol direct, + d’alternatives à l’avion quand c’est possible. Ensuite, le covid ne doit pas faire oublier des sujets écologiques structurels : je pense en premier lieu aux déchets, en particulier le plastique.
Le voyage et vous
Quel est votre meilleur souvenir de voyage ? (Une émotion, une sensation, une rencontre ?)
De manière générale, l’Himalaya et le désert sont mes chouchous.
S’il n’en fallait qu’un, ce serait le Tibet Central en 2007, où nous avons ouvert un trek dans la chaine du Nyenchen Tangla, à proximité immédiate de Lhassa : les neiges du Goring La à 5700 m, les ciels immenses des plaines du Changtang, le bleu irréel du lac Namtso, je garde le souvenir d’une intensité de lumière jamais connue. Au-delà de l’expérience nature, c’est l’immersion culturelle qui m’a laissé le souvenir le plus fort : rencontre avec les familles nomades, cérémonies bouddhistes dans les nonneries reculées, explication des fondements philosophiques du bouddhisme grâce à notre exceptionnelle guide Marion Chaygneaud.
Aujourd’hui trottent encore dans ma tête les discussions sur l’impermanence, la compassion, la vacuité de l’égo, le grand véhicule : dépaysement total pour un occidental...
Quel est votre voyage de vos rêves ou votre prochain voyage ?
Le Japon ! Une identité culturelle aussi forte dans un pays aussi développé, ça pique ma curiosité.
Ma photo de voyage : Thimphu, Bhoutan, avril 2014